Courchevel, le 21 juillet 2001

A Robert !

 

Il est 19h30, après une journée active, je suis tranquille avec Martine dans notre chalet de l’Altiport à Courchevel.

 

Le soleil va disparaître derrière la LOZE, il baignera encore quelque temps l’Altiport de Meribel.

 

C’est une heure que j’aime particulièrement, l’ombre va maintenant remonter régulièrement absorbant tour à tour le Roc Mugnier puis l’aiguille du fruit, puis l’aiguille de Mey

 

La Grande Casse, le Dôme de Bellecôte, le Grand Bec  et le Dôme de Chasseforêt vont s’embraser, puis s’éteindre l’un après l’autre, alors le ciel derrière eux deviendra d’un bleu  profond.

 

J’irai de l’autre coté de la maison pour voir le dernier rougeoiement sur le Mont Blanc. Puis la  nuit viendra invitant à de nouvelles rêveries.

 

Ce soir tu seras, un peu plus que d’habitude, au cœur de mes pensées puisque j’ai eu la joie de t’entendre.

 

Robert, bien sure tu te rappelles que le tout premier rayon du soleil, très tôt le matin  touche le dôme du Gouter, ce qui nous permettait, émergeant de la pénombre du Fayet, de nous y poser à la petite pointe du jour.

 

C’était une grâce extraordinaire. Puis de toute notre habileté nous replongions vers la pénombre pour reprendre d’autres compagnons et rebondir  vers la lumière et la gloire de ces sommets que nous avons toujours chéris de toute notre âme.

 

Robert tu te rappelles de Chasseforêt ou nous pouvions nous poser par grand vent car, fait  unique, nous y atterrissions dans les deux sens.

 

Tu te rappelles du Cul du Nant avec sa pente et du Ruitor. Tu te souviens de la tête de Solaise, tout de même nous avions du culot et nous étions vraiment adroits pour nous poser et re décoller de là.

 

Mais les plus audacieux n’étaient-ils pas nos passagers ?  Finalement ils ont eu raison de nous faire confiance.

 

Tu te souviens d’André TOURNIER, de Dédé SIMOND, de Dédé DIARD, de Robert BLANC et bien sure de Hermann, de Fernand et de Henri, toutes ces si grandes et attachantes figures que nous avons eu le bonheur de côtoyer.

 

Et puis cette page s’est tournée, et un soir à Satolas, rentrant de Copenhague, en Fokker 28, un testeur venu d’Air France m’a serré la main en me donnant mon dernier viatique pour le « Pilote de ligne », tu l’avais sans doute obtenu quelque temps plus tôt…. Quelle joie !

 

Robert quand nous parcourrions Paris sur la « 125 PUCH double carburateur », quand nous balbutiions, à Toussus, sur STAMP ou sur NC 853 rêvions-nous à de tels accomplissements ?

 

Vois-tu, j’y songe sans nostalgie mais comme une action de grâce pour tant de bonheur que nous avons partagé.

 

Il y a quelques jours tu m’as procuré une très profonde émotion en me disant, au téléphone :  » Michel, j’ai beaucoup souffert et j’ai découvert que la souffrance  sublimait notre sensibilité et que c’était un passage vers un  plus grand Amour… »

C’est en substance ce que Jésus a dit à ses apôtres, sur le Mont des Oliviers, dans cette nuit dramatique du Jeudi Saint qui marque notre Univers à jamais.

 

Chacun d’eux voit dans cet Homme, hors du commun, Le Messie annoncé par les prophètes et attendu par Israël, naturellement un Messie triomphant.

 

Or voilà qu’il leur annonce qu’il va être pris, torturé, ridiculisé et finalement subir la mise à mort la plus infamante, sur la Croix.

 

Ils sont bouleversés:

 

Judas érudit de Judée s’en va le livrer comme imposteur,

 

Et Pierre un rude gaillard plein de bon sens, pécheur Galiléen, je pense à lui quand je revois l’image de Dédé SIMOND, lui dit, mais non! Enfuyons-nous, cachons-nous où appelle tes Légions Célestes pour échapper à ce sort funeste.

 

Et Jésus lui dit, écarte-toi de moi tentateur, mon destin doit s’accomplir car la rédemption passe par mes souffrances et la résurrection par la mort.

 

Allez, Robert, courage dans cette, si dure, épreuve que tu traverses, tu vas vers l’Eternité et nous te garderons dans notre cœur.

 

 

Michel